L’une des certitudes de cette élection présidentielle du 24 mars : la non-participation de Karim Wade, après avoir perdu toutes les batailles sur le plan législatif et judiciaire. Aujourd’hui, au sein du Pds, tous les responsables ne s’accordent pas sur le choix du candidat à soutenir pour le scrutin présidentiel de dimanche prochain.
Ancien porte-parole du Parti démocratique sénégalais (Pds), Babacar Gaye a, dans une très longue lettre adressée à son « frère » Karim Wade, a invité celui-ci à soutenir le candidat de Macky Sall, qui incarne le libéralisme. Cet appel est lancé dans un contexte où au sein de la formation, les militants et les responsables sont indécis. En effet, après avoir concédé de multiples revers sur le plan judiciaire en tentant de faire stopper le processus électoral après que leur candidat a été écarté par le Conseil constitutionnel, les libéraux cherchent consensus autour du candidat à soutenir pour ce scrutin de dimanche prochain.
Il y a, d’une part, ceux qui pensent que le candidat du chef de l’Etat sortant mérite d’être soutenu pour « rendre la monnaie » à Macky Sall, qui a déployé beaucoup d’efforts et engagé ses députés pour l’adoption en mode fast-track de toutes les propositions de lois introduites par le groupe parlementaire Démocratie, Liberté et Développement.
D’autres, par contre, sont d’avis qu’il est « impensable » de soutenir un candidat qu’ils ont, eux-mêmes, accusé publiquement d’avoir corrompu des juges pour «écarter» Karim Wade de la course à la présidentielle.
« Nous avons commis beaucoup d’erreurs depuis 2012»
En attendant donc l’officialisation de la conduite à tenir en rapport avec le secrétaire général national, Me Abdoulaye Wade, comme déjà précisé par Karim Wade lui-même dans un tweet, posté, ce lundi, il faut dire que les grognes ne manquent pas dans cette formation libérale.
« Pour dire vrai, à l’heure où je vous parle, nous ne savons pas sur quel pied danser. Et pire encore, au Pds, tout le monde n’a malheureusement pas à temps toutes les informations relatives à sa marche. Tous les responsables ne sont pas au même niveau d’informations », regrette ce cadre, responsable de section. Selon notre interlocuteur, aujourd’hui, soit à moins d’une semaine du scrutin, seuls quelques-uns ont actuellement une idée sur la décision officielle qui viendrait du sommet.
« Mais moi, personnellement, j’ai déjà pris ma décision et je vais voter pour le candidat en qui j’ai confiance. Nous sommes à un moment crucial où le Pds doit prendre et assumer ses responsabilités », a-t-il ajouté, indiquant qu’«il est inadmissible que le Pds rate deux élections présidentielles consécutives ».
Dans ce moment d’incertitudes quant à l’avenir du Pds, d’autres voix s’élèvent pour prévenir contre toute posture abstentionniste comme c’était le cas en 2019. « C’est très risqué de ne pas participer à ces élections. On doit y prendre part d’une manière ou d’une autre », lâche une militante contactée par Seneweb. Selon cette dernière, son parti a commis « beaucoup d’erreurs » depuis la chute de Wade, en 2012. « Le Pastef, qui vient juste d’avoir 10 ans [créé en 2014], a su bien manœuvrer lors de la période pré-électorale pour avoir au moins 3 candidats en lice sur les 19. Et, nous qui nous réclamons de parti historique, nous ne parvenons même pas à en avoir ne serait-ce qu’un seul. Tout ça, parce qu’on a trop misé sur une seule personne pour ne pas oser imposer des plans », pleure-t-elle, appelant la direction du parti à « vite » édifier les militants. Mais, « de toutes les façons, si le choix ne me convient pas, je prendrai mes responsabilités », jure-t-elle.
« (…) Après avoir usé toutes les voies de droit, il est temps de prendre une décision. Pour cela, j’ai foi en tes capacités de résilience afin de perpétuer le legs de Maître Abdoulaye Wade et de remplir ta mission dans la réunification de la grande famille libérale. Dans un contexte politique marqué par l’émergence de forces populistes et de fondamentalistes religieux manipulant les masses, il est crucial de maintenir l’unité et la cohésion nationales en faisant jouer au Parti démocratique sénégalais, son rôle historique », a dit Babacar Gaye, le leader du Mouvement pour l’Unité, la Concorde et le Civisme/Mankoo Mucc, à l’endroit de Karim Wade.
Absence de congrès et de concertation
Embouchant la même trompette, Serigne Mbacké Ndiaye, ancien ministre sous Wade, embraye : « Amadou Ba m’a toujours affirmé et confirmé son désir de travailler avec Karim Wade une fois élu. Si nous faisons de la politique, quelle autre voie peut assurer à Karim une élection en 2029 ?»
En tout état de cause, selon plusieurs observateurs, le Pds, qui est la pierre angulaire de la coalition Wallu, pourrait connaître une nouvelle saignée de cadres et de militants. Ce qui risque de le plonger dans une certaine léthargie. L’absence de congrès de renouvellement et de concertation sur la stratégie de développement du parti a aussi freiné son expansion et réduit son attraction face à de nouveaux adhérents.
En outre, l’absence de la tête du parti (Karim Wade et son pater Me Abdoulaye Wade) empêche aussi de développer des stratégies d’expansion et d’élargissement des bases d’un parti qui semble souffrir d’un manque de cap et de leadership au Sénégal. Si le parti dispose de quelques places fortes dans les départements de Kébémer, Sédhiou et Pikine, il ne doit son regain de forme lors des dernières élections législatives en juillet 2022 qu’à la dynamique de Yaw, plus particulièrement d’Ousmane Sonko, véritable locomotive de l’intercoalition Yaw-Wallu.
Seuls un retour de Karim Wade et un travail de refonte des structures du PDS pourraient aussi permettre de redonner un nouveau souffle au parti qui a exercé le pouvoir entre 2000 et 2012. Le Pds, qui jouit toujours du prestige des partis historiques, est aussi susceptible de rebondir en se greffant à de nouvelles alliances qui ne manqueront pas de se mettre en place lors des probables législatives anticipées qui devraient suivre la Présidentielle du 24 mars 2024.