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Rideau tiré, pharmaciens dans la rue: première grève depuis 10 ans

Des pharmacies avec le rideau baissé, partout en France, et des pharmaciens dans la rue. Les raisons de cette première grève de la profession depuis dix ans? Pénuries de médicaments, fermetures d’officines, rémunération et craintes d’un assouplissement des règles de la vente en ligne.
« Il y a un mois, une pharmacie a encore fermé à Limoges. On atteint un point de non-retour, la situation de la profession est tout simplement dramatique », assure Marion Lemaire, coprésidente du syndicat des pharmaciens de la Haute-Vienne, qui a défilé avec quelque 400 personnes, à Limoges.
Isabelle Pailler exerce à Bellac (Haute-Vienne) depuis 30 ans. Elle raconte à l’AFP perdre « une énergie folle chaque jour à tenter de trouver des médicaments » qui font défaut. 
« On doit interrompre le traitement de diabétiques parce qu’il nous manque un injectable, le Trulicity. On passe une heure trente à deux heures par jour, avec mon équipe, à appeler les médecins, le CHU, les laboratoires! »
A Paris, la manifestation devait partir vers 16H00, de la faculté de pharmacie pour rejoindre le ministère de l’Économie.
Les cortèges de la matinée, dans plusieurs villes en région, ont rassemblé quelque 13.000 personnes, selon l’Union de syndicats de pharmaciens d’officine (Uspo).
Le mouvement rassemble tous les représentants de la profession: syndicats, groupements de pharmaciens, étudiants. La grève n’est pas habituelle dans ce secteur, la dernière d’ampleur remontant à dix ans.
Les syndicats estiment que 90% des pharmacies ont baissé le rideau, voire 100% dans plusieurs villes en province.
Jérôme Koenig, directeur général de l’Uspo, souligne « une volonté de marquer le coup, comme en 2014 ».
« Après les déserts médicaux, les déserts pharmaceutiques? » s’interroge ce syndicat. La profession estime que la France a perdu près de 2.000 officines en dix ans — elles sont actuellement 20.000 sur le territoire.
« L’inquiétude principale, c’est la disparition des pharmacies », fragilisées économiquement à la campagne et parfois en ville, indique à l’AFP Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).

Des pharmacies réquisitionnées
Des pharmacies ont été réquisitionnées par décision préfectorale pour assurer la permanence pharmaceutique obligatoire. La plupart des officines ont prévenu leur clientèle par courriels, écrans ou affiches collées dans les vitrines.
Les syndicats réclament une revalorisation de la rémunération dès 2025, faisant valoir l’inflation qui pèse sur les charges. Les dernières propositions de l’Assurance maladie, dans le cadre des négociations conventionnelles entamées fin 2023, sont jugées « insuffisantes ». Les représentants des pharmaciens seront convoqués le 5 juin pour une « réunion conclusive » avec l’Assurance maladie, selon M. Besset.
Outre l’aspect financier, les pharmaciens veulent mettre l’accent sur les pénuries de médicaments, la fragilisation économique des officines rurales et la réforme du troisième cycle des études de pharmacie qui tarde à aboutir.
Comme en 2014, les représentants de cette profession s’inquiètent aussi d’une possible volonté de simplifier la vente en ligne de médicaments sans ordonnance. 
« Tous les éléments sont là pour tuer le réseau » d’officines -qui emploient 130.000 personnes au total-, alerte Pierre-Olivier Variot, président de l’Uspo.
« Il faut raison garder », a déclaré de son côté à l’AFP le député Renaissance Marc Ferracci. Il y a bien « une réflexion pour savoir s’il est pertinent ou non d’assouplir » les règles de vente en ligne des médicaments sans ordonnance, confirme-t-il, mais sans « remettre en question le principe du monopole » des officines.
Plusieurs syndicats de pharmaciens refusent catégoriquement « les stocks déportés » à un endroit autre que l’officine. Ils craignent de voir le géant de la vente en ligne américain Amazon débarquer un jour sur ce terrain.
« Il ne s’agit pas d’ouvrir quoi que ce soit à la grande distribution ni de mettre des médicaments sur Amazon. Cela n’a aucun sens », assure M. Ferracci, qui veut mettre fin aux « spéculations » qui ont animé la presse spécialisée ces dernières semaines.

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