Pour du “lakh”, Mbène Ndao est prête àtout. Quitte à se battre jusqu’à perdre ses deux dents. Elle était jugée hier, à la barre du tribunal des flagrants délits de Dakar, au même titre que sa voisine qui a refusé de lui servir de la bouillie de mil.
L’ affaire jugée avant-hier à la barre du tribunal des flagrants délits de Dakar revêt un caractère à la fois insolite et hilarant. Âgée de 61 ans, Mbène Ndao est devenue édentée à cause d’un plat de “lakh”. En effet, elle s’est battue avec Aïssatou Dème qui lui a jeté une marmite à la bouche. Ce qui lui a, en même temps, occasionné des blessures sur sa gencive.
De l’économie des faits, il ressort que la belle-mère d’Aïssatou Dème, dans le cadre d’une cérémonie familiale, a préparé du “lakh” dans sa maison. Ainsi, elle a partagé avec tous ses voisins de Yarakh à qui elle a remis, chacun, un bol.
Mbène Ndao, qui a vainement attendu sa part, est allée se plaindre chez la belle-mère d’Aïssatou Dème. C’est ainsi qu’une bagarre s’est déclarée entre elle et cette dernière. En effet, Mbène Ndao et Aïssatou Dème n’entretiennent pas de bonnes relations, depuis presque 10 ans, disent-elles. L’occasion faisant le larron, elles en ont profité pour régler leurs comptes.
Attraites, hier, à la barre du tribunal des flagrants délits de Dakar pour répondre, toutes les deux, de coups et blessures volontaires réciproques, elles ont chacune arboré le costume de la victime dans cette affaire.
Première à prendre la parole pour répondre de ses actes, Aïssatou Dème explique que son différend avec Mbène Ndao date de longtemps. À l’en croire, cette dernière, qui est la femme du beau-père de sa grande sœur, mène la vie difficile à celle-ci. Sur les faits qui leur valent leur comparution, Aïssatou Dème soutient que c’est sa co-prévenue qui est venue jusque chez elle pour lui chercher des problèmes. Ce, en réclamant sa part de “lakh” dont elle était chargée de faire la distribution.
Et pourtant, indique-t-elle, elle a envoyé un bol à sa sœur qui habite la même maison que Mbène Ndao. “Elle s’en est prise à moi. Elle a traité ma mère de prostituée et d’anthropophage. Les gens sont venus la faire sortir de la maison, mais elle est restée derrière le bâtiment, m’attendant hardiment. Elle continuait à m’injurier”, narre Aïssatou.
Selon cette dernière, c’est au moment où elle allait verser de l’eau de vaisselle à la mer que la sexagénaire s’est ruée sur elle. Mais avant qu’elle ne l’atteigne, explique-t-elle, elle lui a versé l’eau.
“Elle a esquivé et je lui ai jeté la marmite”, reconnaît-elle. Toutefois, Aïssatou conteste lui avoir écorché ses deux incisives. Si tel était le cas, se défend elle, Mbène n’allait pas la mordre au sein. Malgré les vérités du tribunal selon qui le “lakh” ne valait pas de tels problèmes, Mbène Ndao, en bon Sérère, a campé sur sa position.
“Chaque fois qu’il y a cérémonie chez moi, je donne du ‘lakh’ à sa belle-mère. Donc, elle doit faire de même avec moi”. Selon sa version des faits, c’est Aïssatou qui l’a trouvée chez elle avant de la traiter de tous les noms.
“Elle a l’âge de mon fils cadet. Si elle se comporte ainsi, c’est parce qu’en venant chez moi, elle savait que mes enfants et mes belles-filles n’étaient pas à la maison”, fulmine-t-elle.
D’après elle, la blessure que lui a infligée Aïssatou est tellement grave que le dentiste du centre de santé des Maristes l’a renvoyée chez un autre.
À la suite du maître des poursuites qui a requis l’application de la loi pénale contre les deux prévenues, Me Amadou Diallo, conseil de Mbène Ndao, lui, estime que le différend qui oppose les deux parties est beaucoup plus sérieux.
Pour sa cliente, il a sollicité qu’elle soit relaxée, ne serait-ce qu’au bénéfice du doute. Pour la constitution de partie civile de sa cliente, la robe noire a réclamé pour son compte la somme de 5 000 000 F CFA. Ce, pour réparer le préjudice qu’elle a subi.
À son tour, Me Diabel Samb a lui aussi demandé au tribunal de condamner Mbène Ndao à allouer à sa cliente Aïssatou Dème la même somme qu’elle a réclamée. “Elle a bel et bien été mordue par Mbène Ndao. La blessure a été constatée par un médecin qui a établi un certificat médical”, plaide-t-il.
Le tribunal, après avoir délibéré conformément à la loi, a déclaré Mbène Ndao et Aïssatou Dème coupables du délit de coups et blessures volontaires réciproques.
Pour la répression, la première est condamnée à une peine assortie du sursis de deux mois et la seconde à trois mois assortis du sursis.
En sus de ces sanctions pénales, Mbène est condamnée à allouer la somme de 200 000 F CFA à Aïssatou, tandis que cette dernière doit lui payer la somme de 1 000 000 F CFA. La contrainte par corps est fixée au maximum.
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