Après la hausse des prix à la pompe des carburants, des étincelles sont provoquées dans le butane à usage domestique. La cause n’est point une question de disponibilité de ce produit hautement stratégique, mais le problème se pose au niveau des bonbonnes et de leur distribution par les différents acteurs. « emedia.sn »
Moins d’un an après la pénurie alors provoquée par le refus d’un des acteurs du secteur à se conformer à la réglementation à propos de l’interchangeabilité des bouteilles au détail, on semble se diriger vers la même situation de blocage. La raison ?
Le même distributeur, en l’occurrence Total, continue à traîner les pieds dans le but de ne pas appliquer la loi sur l’interchangeabilité des bonbonnes. Et la situation du récent changement intervenu à la tête du ministère du Commerce à la faveur du dernier remaniement, Abdou Karim Fofana remplaçant Aminata Assome Diatta, la multinationale française chercherait-elle à pousser l’actuelle équipe ministérielle à faire marche arrière ? La question est loin d’être saugrenue.
Du coup, le tout dernier projet d’arrêté ministériel instituant le mécanisme d’interchangeabilité des bouteilles de gaz butane, qui était en passe d’être signé sous Aminata Assome Diatta, après validation des différents acteurs du secteur, dont Total, est toujours bloqué sans raison apparente, si ce n’est une volonté de faire plaisir au distributeur français qui n’est plus que 4e du secteur en termes de parts de marché, après s’être fait doubler par Puma Gaz et les deux distributeurs nationaux Touba Gaz et Lobbougaz.
Pour les services du ministère sénégalais du Commerce, ce retard est plus dâ au changement opéré au niveau du top management de Total, parce que l’ancien Dg avait déjà validé l’arrêté, mais le nouveau a voulu remettre ça en question. « Nous avons tout simplement voulu associer le nouveau DG, le mettre à niveau, avant de lui faire accepter l’arrêté. Notre souci, c’est d’être le plus inclusif possible », souligne notre source.
La dernière fois qu’une telle situation s’était présentée avec le refus manifeste de Total de se plier à la réglementation, cela avait abouti sur une fausse pénurie causée par l’absence de bouteilles du distributeur français qui, en plus de sa stratégie, se distingue par un refus d’investir dans le sous-secteur du gaz butane, notamment dans l’achat de bonbonnes aux normes de sécurité requise et le renouvellement de son parc, au moment où ses concurrents multiplient les initiatives pour renouveler et renforcer leurs stocks en bouteilles.
Selon le projet d’arrêté dont nous avons obtenu copie, les distributeurs avaient déjà signé, en 2017, la convention d’interchangeabilité de bouteilles de gaz butane. Ladite convention permet au consommateur de pouvoir échanger au point de vente, sa bouteille vide de marque X avec une bouteille pleine de marque Y, sans payer plus que le prix officiellement homologué. Et il appartient alors aux distributeurs d’opérer aux changements des bouteilles ainsi récupérées en amont, avec un système de compensation fixée par l’arrêté. Sauf qu’en refusant de renouveler son parc, le distributeur se retrouve dans une situation de blocage, qui finit par impacter la circulation des bonbonnes.
Dans la note de prévention du projet d’arrêté, il était d’ailleurs fait le constat qui suit : « Le secteur de la distribution de gaz butane à usage domestique, enregistre actuellement des perturbations liées aux blocages constatés dans le système d’échanges de bouteilles de gaz butane, régi par une convention signée le 19 décembre 2017 entre acteurs gaziers et les membres du Groupement professionnel de l’industrie du Pétrole (GPP). Celle-ci avait pour objectif de parer à tout disfonctionnement dans l’approvisionnement du marché ».
Ainsi, pour régler définitivement le problème, il était question, après observations de tous les acteurs concernés, d’instituer « un mécanisme d’interchangeabilité des bouteilles de gaz butane », « applicable à tout distributeur de bouteille de gaz butane, en l’occurrence, dans les points de vente exclusivement dédiés, tels que les dépôts grossistes, les grandes surfaces, les stations-services et les boutiques » (article 1).
L’article 2 précisait que « ce mécanisme d’interchangeabilité consiste à l’obligation, pour chaque distributeur de bouteille de gaz butane, de procéder, sur demande de tout autre distributeur, à l’échange des bouteilles vides de marque différente, dès lors qu’elles sont de même type et de même capacité ».
Selon nos informations, tous les membres de la commission Gaz ont donné leur accord sur ces deux premiers articles.
L’article 3 organisait les compensations au niveau des centres emplisseurs ainsi qu’il suit : « – Tous les distributeurs ont l’obligation de communiquer journalièrement les stocks de bouteilles concurrentes détenues dans les centres emplisseurs ; – un échange quotidien de bouteilles de gaz butane au niveau des centres emplisseurs ; – une compensation financière, dès lors que les bouteilles de gaz butane vides appartenant à un autre distributeur sont stockées dans un centre emplisseur tiers pendant une période d’un (01) mois. »
À propos de ce troisième article, il n’y a pas eu de consensus sur la période de compensation. En effet, pendant que Total et Lobbougaz proposaient une période de 6 mois, Touba Gaz et Puma Gaz proposent une période de 2 mois et enfin, Ola Energy optait pour 3 mois.
Le document précisait qu’en cas de compensation financière, « la déconsignation du stock détenu par l’autre distributeur se ferait sur la base du taux de consignation en vigueur (avec un taux légal de compensation à fixer). »
Enfin, il a été noté également que tous les acteurs avaient confirmé les taux de consignation en vigueur ci-après :
Bouteille 6KG à 6000 FCfa
Bouteille 9KG à 8500 FCfa
Bouteille 2,5 KG à 4500 FCfa
Bouteille 12 KG à 12000 FCfa
Bouteille 38 KG à 40 000 FCfa
À ce propos, « tous les membres, sauf LMDB, demandaient une revalorisation des taux de consigne des bouteilles, Puma proposant que les prix d’acquisition des bouteilles de gaz soient fixés comme taux de consigne ».
Il est donc étonnant quelques mois plus tard, qu’un des acteurs, qui perd de plus en plus du terrain dans le secteur du gaz butane, cherche à faire faire machine arrière à l’État du Sénégal, au point de risquer un nouveau blocage dans la circulation des bouteilles ou que le ministère du Commerce continue de traîner les pieds pour faire appliquer les textes et valider un arrêté, dont les arguments ont été soulevés par l’Etat depuis… 2017 !
À en croire les services du ministère du Commerce, les techniciens et les acteurs du secteur ont convenu d’une réunion en début de semaine. « Vu l’urgence, on est en train de travailler avec Total pour voir comment débloquer la situation », souligne M. Wade du ministère du Commerce.
Selon lui, il n’y a pas encore péril en la matière parce que y a un suivi régulier et permanent de ce processus d’interchangeabilité des bonbonnes de gaz butane. « Total a posé un certain nombre d’observations et l’État se voulant inclusif et participatif, a dû surseoir à l’application de l’arrêté en attendant une réunion de validation qui sera consensuelle », explique le technicien du ministère sénégalais du Commerce.