L’interdiction de voyager la nuit ne passe pas chez certains chauffeurs et voyageurs à Saint-Louis. Les commerçants qui se rendent souvent au marché de Diaobé pour s’approvisionner en marchandises ou pour écouler leurs produits évoquent la perte de temps et de gain induite par le changement des horaires de voyage. De leur côté, les chauffeurs ne croient pas que cette mesure freinera la spirale des accidents au Sénégal.
Tout est calme. Tout est à l’arrêt à la gare routière de Saint-Louis. Mor Cissé, chauffeur d’un des bus horaires qui assurent la desserte Saint-Louis Tambacounda observe le mouvement d’humeur. Il en profite, sous un arbre, pour griller une cigarette. Il s’oppose à l’interdiction de rouler la nuit. Cette mesure comme d’autres sont un acharnement contre eux à ses yeux. « Actuellement, tout est bloqué. Rien ne va ici à la gare routière de Saint-Louis. Les chauffeurs font face à un véritable acharnement, entre interdiction des porte-bagages et interdiction de voyager la nuit. Les mesures de l’Etat sont à revoir. Je conduis un bus horaire nuit Saint Louis-Tamba. Mais depuis l’annonce de l’interdiction, des voyages nocturnes, mon bus est garé », déplore le conducteur. Il taille en pièces de l’interdiction de voyager la nuit surtout pour les longs trajets. « Je ne travaille plus et je souffre financièrement. C’est impossible de rester sans voyager la nuit car beaucoup de Sénégalais préfèrent les voyages nocturnes surtout quand il s’agit des voyages lointains comme Tambacounda Kolda Sédhiou et Kédougou. C’est difficile de changer leurs habitudes », a-t-il convoqué.
Il ne croit pas que l’interdiction de voyager la nuit freinera la spirale des accidents. Dans ce garage, en plus des chauffeurs, les voyageurs ne sont pas prêts à revoir leurs horaires. Ils croient que la mesure affectera le petit commerce des personnes qui partent au marché de Diaobé pour s’approvisionner ou écouler leurs marchandises.
« Cette interdiction de voyager la nuit me pénalise et perturbe mes activités. C’est vraiment dur de s’y adapter. Voyager la nuit était beaucoup plus bénéfique pour moi car Diaobé est loin. Ce sont les horaires de nuit qui m’arrangeaient. Je quittais ici 22 heures pour arriver à 6 heures à Diaobé. Je fais mes achats la journée et la nuit je reprends le bus horaire à 22 heures pour rentrer », confie une commerçante sous le couvert de l’anonymat.
La rigueur du voyage se ressent moins durant la nuit. Aujourd’hui, la conséquence de cette interdiction, ce sont la perte de temps au garage et la fatigue. Les commerçants qui quittent Saint-Louis pour Diaobé souffrent plus depuis le début de l’application de cette mesure. « Je suis plus que fatiguée. Les bus ont changé les horaires au lieu de quitter 22 heures, ils quittent à 15 heures et une fois sur le chemin quand il fait 23 heures, le chauffeur s’arrête et on est obligé de passer la nuit dans le bus jusqu’à 05 heures du matin pour continuer », rapporte-t-elle. A Saint-Louis, la mesure n’arrange ni les chauffeurs, ni certains voyageurs qui effectuent de longs trajets.
« On prie pour que ça ne soit pas une mesure éternelle. Les voyages nocturnes sont ancrés dans les habitudes des Sénégalais et se lever un beau jour pour l’interdire pour moi ce ne sera pas facile », estime la dame.
Cette interdiction est au cœur des négociations entre les syndicats des transports et les autorités étatiques. Gora Khouma, figure syndicale du secteur a fait savoir que des concertations permettent de donner une position sur cette mesure. En attendant, certains chauffeurs ont opté pour une grève illimitée pour contester les décisions devant concourir à freiner les accidents. Rappelons qu’au courant du mois de janvier 2023, le Sénégal a enregistré deux accidents avec un nombre de décès dépassant une soixantaine.