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Le proverbe africain affirmant qu’«il n’y a pas de place pour deux crocodiles dans le même marigot » ne pouvait pas trouver meilleure illustration. La Russie tente depuis plusieurs années une implantation rapide sur le continent en usant, parfois, de moyens peu conventionnels dans le but de d’inviter le plus rapidement possible la « méchante » France « néocoloniale » à prendre la porte.  Au cours des incidents ciblant l’ambassade de France, suite au coup d’Etat du 30 septembre dernier, quelques images ont étonné de nombreux observateurs. Celles montrant des manifestants brandissant fièrement des drapeaux russes. « On veut la Russie, on veut une collaboration avec le Mali, la France à bas ! », clamait l’un d’entre eux. Cette volonté de changement de cap -vers un modèle russe-constaté en Haute-Volta n’est pas un fait isolé. Il prend de l’ampleur dans la sous-région. Pour sortir de cette relation Afrique-France que certains qualifient de « servitude moderne », bon nombre d’entre eux sont favorables à la recherche de nouveaux partenaires stratégiques pour le continent. Dans cette quête d’un nouvel allié stratégique, la plupart des regards convergent vers la Russie. Un choix apprécié par beaucoup dont des militants anticolonialistes tels que Nathalie Yamb ou Kemi Seba. Ce dernier avait clairement apporté son soutien à l’Etat fédéral suite à son opération militaire en Ukraine : « Poutine veut récupérer son pays et il n’a pas le sang de l’esclavage et de la colonisation sur les mains. Je préfère Poutine, même si ce n’est pas mon messie, à tous les présidents occidentaux et à tous les maudits présidents africains, soumis à l’oligarchie de l’Occident ».  Le jeu de séduction russeConscient de l’occasion à saisir sur le continent, la Russie a commencé à avancer ses pions depuis belles lurettes. Le sommet Russie-Afrique organisé en 2019 à Sotchi en est le parfait exemple. Au cours de cette rencontre, le président Vladimir Poutine a  rappelé les relations historiques entre l’ex URSS et l’Afrique et l’attachement commun au multilatéralisme et la lutte contre le colonialisme.  Autant d’arguments allant de pair avec le nouveau paradigme souhaité par le continent dans sa nouvelle feuille de route. L’Etat fédéral ne s’est pas limitée à ces concertations pour développer sa notoriété. Elle a mis en place des médias de propagande pro-russe pour tenter de contrebalancer le traitement de l’information des occidentaux, le plus souvent défavorable au Kremlin. « La Russie joue la carte du contre-discours occidental qui a une forte résonance chez la jeunesse, nous dit Bah Traoré, analyste politique et sécuritaire au Sahel. Très vite, son influence médiatique a commencé à gagner du terrain sur les réseaux sociaux. La chaîne de propagande ruse, Russia Today (RT), connaît une croissance d’audience en Afrique. Son audience est passée de 50.000 abonnés à plus de 1.200.000 abonnés entre fin 2017 et Mars 2022. Le discours anti occidental a trouvé un terrain fertile dans un contexte où seuls les grands médias occidentaux avaient le monopole de l’information ». France vs Russie : Combat de propagande Ce positionnement réussi serait donc, en partie, le fruit d’un plan de communication axé sur la désinformation et dont la cible à évincer est la France. L’un des évènements corroborant cette assertion est le charnier découvert à Gossi suite à la rétrocession du camp par la force Barkhane en avril dernier. Les autorités maliennes avaient tenu pour responsables les militaires français. Ces derniers ont répliqué, preuves à l’appui, en diffusant des images de drone montrant des individus -décrits comme des forces de Wagner- monter cette « mise en scène ». Une démarche inédite pour l’armée française car elle dévoilait des éléments classés secrets-défense pour la première fois. L’enjeu en valait la chandelle. Des offensives russes dans la sphère communicationnelle qui ont fini d’irriter le président français Emmanuel Macron. Au cours de sa visite en Algérie, en août dernier, il a dénoncé « l’agenda d’influence, néo-colonial et impérialiste » de Pékin, Moscou et Ankara. « Je veux dire simplement la jeunesse africaine : expliquez-moi le problème et ne vous laissez pas embarquer parce que votre avenir, ça n’est pas l’anti-France. Oui, la France est critiquée. Elle est critiquée pour le passé, […] parce qu’on a laissé trop longtemps des malentendus s’installer, et aussi parce qu’il y a une immense manipulation », a-t-il dit. Un mois plus tard, le chef de l’Etat français évoquait de nouveau la question, cette fois-ci sur un ton offensif. Lassé d’être attentiste, E. Macron a sonné la révolte devant ses ambassadeurs en estimant que la riposte passe d’abord par une « vraie politique partenariale » avec les pays visés. « Mais je pense que, collectivement, nous devons être beaucoup plus réactifs, beaucoup plus mobilisés sur les réseaux sociaux », a insisté le président de la République. « Il ne s’agit pas de faire de la propagande », a-t-il fait savoir, mais de contrer les « propagandes anti-françaises » et de « combattre les narratifs mensongers, les informations fausses et défendre la réalité de notre action »« la Russie n’a jamais colonisé un pays africain », Samba Mbenda Diaw, président PARADE

Malgré ces efforts effectués, le capital sympathie de la Russie vis-à-vis de la population n’a pas l’air d’avoir été entaché. Si bien que des associations de soutien à la Russie voient le jour en Afrique. A l’exemple de PARADE (Partenariat Alternatif Russie Afrique pour le Développement Économique). Cette association, présente sur 16 pays du continent, se définit comme une organisation panafricaniste avec comme objectif le rapprochement des pays d’Afrique à la Russie. Samba Mbenda Diaw l’initiateur de cette plateforme revient sur les raisons de sa création : « Nous croyons qu’avec la Russie nous allons connaître un partenariat. Un partenariat gagnant-gagnant. Parce que la Russie n’a jamais colonisé un pays africain ; la Russie n’a jamais participé à la traite des noirs ; la Russie n’a jamais garanti une monnaie africaine. Au contraire, la Russie a aidé beaucoup de pays africains dans la marche vers les indépendances ». Il ajoute qu’il s’agit d’« une invite à une réorientation diplomatique vers un partenaire fiable et efficace à savoir la Russie pour une Afrique souveraine et résolument portée vers le progrès ». Des arguments qui séduisent et les adhérents à ce mouvement ne cessent de croître jour après jour.

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